Note pour les officiers d’état-civil dans le cadre d’une demande de changement de prénom tenant à la transidentité du/de la demandeur·se
Les demandes de changement de prénom(s) peuvent être effectuées, depuis la loi de 2016, à la mairie de naissance ou du domicile. Cette démarche, libre et gratuite, rencontre malgré tout régulièrement des difficultés dues à la méconnaissance de la loi par les officiers d’état-civil.
Suite à un travail réalisé par l’association à destination de la ville de Paris, OUTrans a rédigé cette note à destination des officiers d’état-civil, et des personnes concernées, afin de préciser le cadre légal des changements de prénoms dans un parcours transidentitaire.
Base Légale
Le changement de prénom répond depuis 2016 de l’article 60 du Code civil :
Article 60 : Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. La demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être demandée.
Code civil
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l’état civil.
S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s’oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales.
Cette procédure a été introduite dans le code civil par la loi dite de modernisation de la justice du XXIe siècle du 18 novembre 2016. Ce même texte y a introduit un chapitre donnant la possibilité d’obtenir un changement de la mention de sexe à l’état-civil (articles 61-5 à 61-8). Il est d’ailleurs précisé dans l’article 61-5 que le fait d’avoir « obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué » constitue un fait principal démontrant la légitimité à demander un changement de mention relative au sexe.
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 a été accompagnée, entre autres, de deux circulaires. Une en date du 17 février 2017 relative à l’application des dispositions sur le changement de prénom à destination des officiers d’état-civil, l’autre, du 10 mai 2017, concernant les procédures judiciaires de changement de prénom et de modification de la mention du sexe à l’état civil :
- Circulaire du 17 février 2017 de présentation de l’article 56, I de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (PDF – 2.4 MB)
- Circulaire du 10 mai 2017 relative à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle : changement de prénom et modification de la mention du sexe à l’état civil (PDF – 177.2 KB)
Les décisions positives de changement de prénom permettent personnes trans d’obtenir un prénom correspondant « au sexe revendiqué » et pour certaines de ces personnes, constituent ainsi l’une des étapes conduisant à la modification de la mention de sexe à l’état-civil de l’intéressé.
Sur l’enregistrement de la demande
Demander un changement de prénom est un droit.
La Mairie ne peut refuser une demande de changement de prénom. Seul le Procureur a cette possibilité. Dès lors, une mairie légitime à recevoir la demande (naissance ou domicile) ne peut refuser de recevoir un dossier de demande de changement de prénom, même si elle l’estime incomplet.
En cas de refus d’enregistrement, le/la demandeur·se est en droit demander à faire constater ce refus par les autorités afin de faire valoir ses droits.
Sur l’intérêt légitime
Au vu de la jurisprudence antérieure à la loi de 2016, la transidentité du/de la demandeur·se caractérise un intérêt légitime de la demande de changement de prénom dès lors qu’elle répond à « la volonté de mettre en adéquation son apparence physique avec son état civil en adoptant un nouveau prénom conforme à son apparence, et ce, indépendamment de l’introduction d’une procédure de changement de sexe » (page 20 de la circulaire du 17 février 2017)
Toutefois, selon l’article 225-1 du Code Pénal, toute discrimination fondée sur l’apparence physique ou l’identité de genre est pénalement répréhensible. Dès lors, accorder un changement de prénom à une personne présentant des stéréotypes conformes à son genre revendiqué mais le refuser à une autre ne rentrant pas dans ces stéréotypes serait constitutif d’une discrimination fondée sur l’apparence physique et sur l’identité de genre et ne saurait ainsi caractériser la « non-légitimité » à changer de prénom.
L’autodétermination du/de la demandeur·se comme appartenant à un genre particulier doit seule primer.
La circulaire du 10 mai 2017 rappelle aux juges en charge de l’appréciation des demandes de changement de mention de sexe, procédure souvent postérieure au changement de prénom :
« L’exigence de production de documents en relation avec des comportements sociaux et/ou l’expérience de vie dans le sexe revendiqué ne doit toutefois pas conduire à considérer que c’est la société qui détermine le sexe du demandeur. En effet, c’est bien la volonté de la personne de se présenter, en société, comme appartenant au sexe intimement vécu qui peut permettre la mise en concordance du sexe revendiqué avec celui inscrit à l’état civil.
Circulaire du 10 mai 2017 relative à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016
La Cour européenne des droits de l’homme a d’ailleurs interdit aux Etats de « mettre en cause la liberté pour le requérant de définir son appartenance sexuelle, liberté qui s’analyse comme l’un des éléments les plus essentiels de son droit à l’autodétermination » (CEDH YY c. Turquie, 10 mars 2015, n° 14793/08).
A cet égard, le Défenseur des droits souligne, dans son avis MLD-MSP-2016-164 du 24 juin 2016, que l’évaluation du comportement ne peut pas conduire à entériner des stéréotypes de genre et/ou de refuser des demandes « au motif que la personne ne serait pas suffisamment « femme » ou « homme » sur la base de perceptions relevant de l’ordre des préjugés ».
Ces consignes s’appliquant aux juges intervenant souvent après la demande de changement de prénom, elles s’imposent aux officiers d’état-civil en charge d’évaluer l’intérêt légitime de la demande.
Sur les pièces justificatives
Pour analyser le caractère légitime de la demande de changement de prénom lié au genre, comme pour toutes les demandes de changement de prénom, les agents des services d’état civil peuvent recueillir, en plus des pièces justificatives liées à l’identité du demandeur et à sa résidence :
- Le formulaire complété de la demande de changement de prénom avec la présentation des motifs permettant de comprendre l’intérêt légitime à changer de prénom (annexes 4 à 7 de la circulaire du 17 février 2017)
- Des pièces justificatives permettant de caractériser l’usage et / ou la connaissance par l’entourage du/de la demandeur·se, du prénom souhaité présentées « à titre indicatif et non cumulatif » aux pages 10 et 11 de la circulaire.
Une personne trans engageant cette démarche n’aura sans doute pas la possibilité de fournir des éléments liés à sa scolarité, sa vie professionnelle et sa vie administrative car le changement de prénom légal constitue souvent une des premières étapes d’un parcours transidentitaire. Il est important de préciser aussi que, si des attestations de proches peuvent témoigner de sa vie sociale, celles-ci ne sont pas obligatoires et ne pourraient être demandées qu’en nombre raisonnable (2 à 3 maximum).
À noter que ces pièces justificatives viennent en complément de la présentation des motifs de la demande de changement de prénom.
L’absence de justificatifs dans le dossier ne peut, à lui seul, caractériser la « non-légitimité » à changer de prénom, l’intérêt légitime pouvant être justifié par la seule auto détermination manifestée formellement (dans le formulaire de demande ou sur une déclaration sur l’honneur jointe) par le/la demandeur·se.
Sur les preuves d’ordre médical
Pour instruire une demande de changement de prénom lié à la transidentité du/de la demandeur·se et apprécier le caractère légitime de la demande, les agents des services d’état civil ne doivent pas demander de documents d’ordre médical.
En effet, l’article 61-6 du code civil, s’appliquant aux demandes de changement de mention de sexe postérieures aux changements de prénoms précise dans on 3e alinéa que « Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande. »
Si le/la demandeur·se souhaite tout de même compléter son dossier avec des documents d’ordre médical, les agents des services d’état civil devront rappeler que ces pièces ne sont pas utiles à un officier de l’état civil pour analyser le caractère légitime de la demande.
Sur les mineur·e·s
La demande de changement de prénom lié au genre peut concerner un·e majeur·e, mais aussi un·e mineur·e. Dans ce cas, la demande doit être remise par son ou ses représentant·e·s légal·e/légaux·ales. Des décisions positives de changement de prénom lié au genre pour des mineur·e·s peuvent donc être enregistrées par les officiers de l’état civil dans les registres d’état civil (sans donc faire intervenir le Procureur de la République).
Faire remonter systématiquement au procureur les demandes de changement de prénom concernant les mineur·e·s trans mais ne pas avoir ce même systématisme pour les mineur·e·s non-trans (cis) constituerait clairement une discrimination au tite de l’article 225-1 du Code Pénal.
Sur le choix des prénoms
L’article 60 reprenant mot pour mot les termes du 3e alinéa de l’article 57 du code civil (“contraires à l’intérêt de l’enfant ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille”), le choix du prénom répond aux mêmes règles que lors d’une déclaration de naissance. Ainsi, le principe de liberté de choix de prénom consacré par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 vaut pour les changements de prénom au titre de l’article 60 du code civil.
L’identité de genre, introduite dans le droit français avec la loi du 18 novembre 2016 ne doit pas être interprétée de façon strictement binaire. Dès lors, toute personne est parfaitement légitime à demander un prénom neutre.
De la même façon que des prénoms de genres différents peuvent être déclarés à la naissance de l’enfant en prénoms supplémentaires, le choix de plusieurs prénoms de genres différents doit être respecté.
Sur les délais de décision
Le circulaire du 17 février 2017 précise en page 7 :
« La décision de l’officier de l’état civil devra être communiquée au demandeur ou à son/ses représentants légal/légaux dans un délai raisonnable, le cas échéant à l’issue d’une audition ultérieure. Il importe que cette mesure de simplification pour les particuliers, favorisant par ailleurs le traitement rapide d’autres décisions judiciaires associées, soit traitée avec diligence, dès lors que les intéressés ont produit l’intégralité des pièces requises. »
Circulaire du 17 février 2017
Dès lors, tout comme le passage en commission ou imposer un délai n’est pas nécessaire pour le choix du prénom lors de la déclaration de naissance répondant aux mêmes critères, il n’est pas indiqué pour les changements de prénom.
Si l’intérêt légitime de la demande est constitué lors du dépôt, l’acte de changement de prénom peut être établi immédiatement.
De nombreuses mairies en France délivrent immédiatement l’acte de changement de prénom sans prendre le moindre risque juridique. Au contraire, une mairie imposant des commissions et des délais prendrait un risque juridique au regard du cadre légal et de l’esprit de la loi de simplification.
En cas de doute manifeste
La loi prévoit que “S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République.”
Dès lors, il ne revient pas à l’officier d’état-civil ou au procureur de juger de la réalité de la transidentité manifestée par le/la demandeur·euse.
Si l’officier d’état-civil estime qu’une demande de changement de prénom lié au genre (pour un·e mineur·e ou un·e majeur·e) ne revêt pas un intérêt légitime il est conseillé de proposer au déposant·e d’ajouter s’iel le souhaite des pièces complémentaires afin de renforcer le dossier.